Une cantine scolaire pour contribuer à l'équilibre social
Dans une localité qui abrite 20% de la population autochtone du pays, une école primaire devient un vecteur essentiel et puissant de cohésion social
Une cantine scolaire pour contribuer à l'équilibre social
Dans la Lékoumou, département du sud-ouest de la République du Congo qui abrite 20% de la population autochtone du pays, il y a une école primaire qui devient, jour après jour, un vecteur essentiel et puissant de cohésion sociale. L’école est située à Makoubi, à une trentaine de kilomètre de Sibiti, le chef-lieu du département de la Lékoumou.
Sur les 313 élèves qui sont scolarisés dans cet établissement, près d’un tiers sont autochtones. En République du Congo, ces communautés sont particulièrement marginalisées et peinent à faire valoir leurs droits – notamment leur droit à l’éducation – pourtant très bien encadrés par la loi n°5-2011, promulguée par le gouvernement congolais il y a dix ans.
Tous les midis, grâce au programme de cantine scolaire du Programme Alimentaire Mondial (PAM) au Congo mis en œuvre dans le cadre de l’initiative conjointe Joint SDG Fund, les écoliers bantous et autochtones de Makoubi partagent un repas fraichement cuisiné. Ce sont les parents d’élèves qui sont mobilisés en cuisine et plus précisément, les mères. Ainsi, des femmes autochtones, traditionnellement victimes de préjugés, et bantoues, ethnie majoritaire dans le pays, se retrouvent quotidiennement aux fourneaux et cuisinent, ensemble, pour permettre à tous les enfants, sans discrimination, de rester concentrés, d’apprendre et de préparer leur avenir.
Georgette est l'une des trois cuisinières autochtones de l'école Makoubi. Elle a six enfants, mais seulement deux d'entre eux, plus jeunes, fréquentent l’établissement. Elle est convaincue du bien-fondé du programme d'alimentation scolaire que le PAM met en œuvre depuis octobre 2020. En tant que parent d'élèves, elle avait remarqué que de nombreux élèves manquaient des jours d'école à l’époque où il n'y avait pas de cantine. Selon elle, ces repas quotidiens représentent une source de motivation pour les enfants. Ils sont d’autant plus importants pour les écoliers autochtones qui devront malheureusement redoubler d’efforts pour échapper à la précarité, dans un contexte où les populations autochtones du Congo ont encore très peu accès aux services sociaux de bases.
Néanmoins, Georgette apprécie le travail - notamment de sensibilisation - abattu par le gouvernement et ses partenaires, dont le PAM, depuis plusieurs années. Elle constate déjà des progrès : « avant, les Bantous refusaient de manger les repas cuisinés par les autochtones parce qu'ils étaient considérés comme sales. Maintenant, c’est possible. Et même en dehors de l'école, ça se passe mieux. »
Chaque jour, trois parents d’élèves conjuguent leurs efforts pour préparer les repas aux 313 écoliers de Makoubi. Parmi eux, il y a également Préfina, parent d’élèves et cuisinière de l’ethnie bantou, qui a rejoint l’équipe dès le lancement de la cantine, en octobre 2020.
Il y a quelques années, Préfina n’aurait pas pu s’imaginer cuisiner et manger avec une femme autochtone. Mais l’impensable est arrivé, lorsqu’elle a rejoint l’équipe de cuisinières scolaires, et la jeune maman s’est finalement liée d’amitié avec certaines de ses partenaires de fourneaux qui appartiennent aux communautés autochtones.
Au-delà de sa propre perception – probablement héritée de celle de ses parents et grands-parents – qui a donc évolué au fil des derniers mois, Préfina a elle-aussi constaté un changement dans les mentalités. "Aujourd’hui, même si une maman autochtone prépare un repas, les enfants bantous le mangent. Ça fait tomber les préjugés".
Un cadre d’action conjoint et intégré
Le renforcement de la participation et l'inclusion des peuples autochtones dans les systèmes alimentaires du Congo est une étape clé pour permettre aux personnes d’accéder en toute égalité et équité à une alimentation adéquate, nutritive et diversifiée. Outre les programmes d’alimentation scolaire dans les écoles qui accueillent des élèves autochtones telle que l’école Makoubi, le PAM renforce les capacités de groupements de petits exploitants agricoles autochtones de la Lékoumou, organise des sessions de vulgarisation de la loi n°5-2011 relative à la promotion et à la protection des droits des populations autochtones et mène des plaidoyers, notamment sur la question de l’accès à la terre.
Ces activités s’inscrivent dans le cadre du programme d’amélioration de l’accès des populations autochtones à la protection sociale dans le département de la Lékoumou, mis en œuvre par trois agences du Système des Nations Unies (OMS – Organisation Mondiale de la Santé, PAM – Programme Alimentaire Mondial et UNICEF – Fonds des Nations Unies pour l’Enfance), en appui au gouvernement congolais, avec un financement du Joint SDG Fund.
Entre janvier 2020 et décembre 2021, 50 000 personnes autochtones recevront l’assistance de l’OMS, du PAM et de l’UNICEF.
En République du Congo, les populations autochtones font partie des groupes les plus marginalisés et les plus vulnérables. Malgré le cadre juridique solide que le gouvernement congolais a adopté depuis 2011 (loi nº5-2011 portant promotion et protection des droits des populations autochtones), l’accès des populations autochtones aux services sociaux de bases et à l’utilisation des ressources naturelles se heurte encore à la réalité socioculturelle et communautaire. Ces populations ont des conditions de vie précaires : plus de 50% des enfants autochtones n’ont pas d’acte de naissance, plus de 65% d’enfants autochtones ne sont pas scolarisés. Le Programme Alimentaire Mondial et ses agences sœurs s’engagent aux côtés du gouvernement pour assurer l’accès à la protection sociale à l’ensemble des citoyens et des citoyennes de la République du Congo.